Communiqué de presse de l’Atécopol (Atelier d’Ecologie Politique)
Toulouse, dimanche 24 septembre 2023
Les 200 scientifiques toulousains de l’Atécopol affichent leur consensus, demandent l’arrêt des travaux de l’autoroute A69 et souhaitent rencontrer au plus vite Carole Delga.
Dans une lettre ouverte adressée aux représentant·es politiques soutenant le projet de l’A69, des membres de l’Atelier d’Écologie Politique affichent publiquement le consensus de leur collectif de plus de 200 scientifiques à ce sujet : « Pas un·e seul·e membre n’est favorable à la construction de l’autoroute A69. Pas un. Pas une. Il s’agit d’un rejet unanime ». Vendredi dernier, ces scientifiques toulousain·es ont envoyé une lettre à Carole Delga, demandant à la rencontrer au plus vite. Cette réaction intervient alors que Thomas Brail, après 23 jours de grève de la faim, avait annoncé démarrer lundi 25 septembre une grève de la soif, appelant toujours à l’arrêt des travaux de l’autoroute Toulouse-Castres. Il a été évacué dimanche matin par les forces de l’ordre.
Dans une seconde partie de la lettre, les scientifiques apportent leur propre éclairage sur le sujet. Ils et elles rappellent que l’intérêt de la limitation du temps de trajet deviendrait caduc en cas de forte limitation de la vitesse sur l’autoroute, une mesure qu’ils et elles appellent de leurs vœux au vu des enjeux climatiques.
Ils et elles rappellent également que l’utilisation de l’autoroute va entrer en concurrence avec la ligne ferroviaire existante. Pourtant, le train émet pour l’instant trois fois moins de CO2 lors du trajet que s’il est fait en voiture individuelle. Ce facteur monterait à 25 si la ligne Toulouse-Mazamet, pour l’instant parcourue par un train diesel, était électrifiée.
S’appuyant sur la littérature scientifique relative à ce sujet, ils et elles soulignent que « les infrastructures autoroutières, en exacerbant la compétition entre territoires, ont surtout pour effet d’amplifier les dynamiques existantes», et que ce projet « pourrait n’avoir comme conséquence que l’accentuation de la polarisation des territoires et de l’exode rural, à l’heure où il devient de plus en plus urgent de ré-investir les campagnes, et où l’accroissement des métropoles pose de sérieuses questions de soutenabilité ».
Les signataires de la lettre estiment également que d’éventuels effets à très court terme de ce projet sur la croissance économique ne justifient pas les dommages irréversibles qui seront subis : «les pertes de terres agricoles, l’artificialisation d’espaces sauvages, les dommages sur la santé des populations induits par les centrales à enrobés, les expropriations, les dizaines de milliers de tonnes de CO2 qui seront émises au cours de la construction et les milliers par an supplémentaires lors de l’utilisation. » Ils et elles rappellent également que l’augmentation de la croissance économique, outre que son impact sur l’emploi et la justice sociale est discutable, rend plus difficile le respect de l’Accord de Paris. Ils et elles déplorent que « la seule boussole en termes d’aménagement du territoire et de politique publique soit la croissance économique ».
Il est rappelé que la communauté scientifique est extrêmement critique sur le concept même de compensation écologique, que les acteurs favorables au projet mettent systématiquement en avant. La compensation, qui selon les règlementations, ne devrait survenir que résiduellement après l’étude de l’évitement du projet et la réduction de son impact, est devenue selon elles et eux « un outil au service de la prolifération de projets d’aménagement écocides, en dépolitisant les enjeux sociaux et économiques sous-jacents et en niant au passage le sens et la valeur des luttes environnementales ».
Enfin, les scientifiques apportent leur clair soutien aux opposant·es au projet et aux grévistes de la faim. Les signataires accueillent avec enthousiasme les projets d’aménagement alternatifs qui ont émergé du collectif « La voie est Libre » (véloroutes, agro-écologie, haies bocagères, ressourceries, productions alimentaires locales, arrêts de train supplémentaires) estimant qu’ils sont « à la hauteur de la bifurcation nécessaire pour nos sociétés face à l’urgence écologique ».
L’Atécopol est un collectif toulousain de plus de 200 scientifiques concerné·es par les enjeux écologiques et regroupe des spécialistes de nombreuses disciplines (climatologie, écologie, urbanisme, agronomie, économie, etc.), membres de tous les établissements d’enseignement supérieur de la région toulousaine. Deux auteurs du GIEC (Christophe Cassou et Jean-Baptiste Sallée) en font partie. Ce collectif est une plateforme d’expertise du CNRS et a largement contribué ces dernières années à former étudiant·es, citoyen·nes, élu·es et fonctionnaires de la région toulousaine aux enjeux écologiques, dans la plus large interdisciplinarité.