LIMINAIRE CONSEIL MÉTROPOLITAIN
6 avril 2023
Jaurès nous a dit « La République est le grand meneur, traduisez-la donc devant vos gendarmes ! » ce discours prononcé à l’Assemblée Nationale le 21 novembre 1893, était tenu en défense des meneurs des grèves ouvrières.
Aujourd’hui, la brutalité policière de l’Etat témoigne de la fébrilité du pouvoir, contre les quartiers populaires en 2005, contre les Gilets Jaunes en 2018 et contre des millions de manifestants opposés à la Réforme des Retraites en 2023.
Il y a encore quelques années, quand le pouvoir se trouvait confronté à des mouvements sociaux déterminés, massifs, durables et organisés, il reculait. Ce recul n’était pas forcément vu comme un échec mais bien comme le signe que la démocratie sociale et politique fonctionnait en parallèle. Il démontrait la possibilité pour le peuple français de se faire entendre en dehors des périodes électorales auxquelles une vie démocratique ne saurait se résumer.
La loi sur la sélection à l’entrée de l’université en 1986, le plan Juppé en 1995, et d’autres en sont les exemples.
On voyait même certains responsables de ces réformes impopulaires démissionner comme Alain Devaquet en 86 ou Claude Alègre en 2000.
Depuis l’arrivée de Nicolas Sarkosy à la présidence, de François Hollande et de leur disciple Emmanuel Macron, une mutation s’est opérée.
Peu importe le nombre des manifestants, peu importe la durée, peu importe la détermination, plus rien ne bouge. Circulez, il n’y a rien à voir !
Pour rappel, la bataille des retraites en 2010, la mobilisation contre la loi El Khomery en 2016, les ordonnances Macron en 2017, la méthode Thatcher fait école.
On ne recule même plus devant les poubelles qui s’entassent, les stations à secs, les trains annulés, les classes fermées, les routes bloquées, les métros perturbés. Le pouvoir s’accommode des manifestations hebdomadaires ou quotidiennes.
La réforme des retraites ou plutôt la contre réforme des retraites a mobilisé des millions de personnes dans la rue, appelées par une intersyndicale soudée et unie. Une réforme rejetée par une grande majorité de français, 70 à 90% d’opposants. Les français ont compris que cette réforme n’est ni nécessaire, ni juste, ni protectrice et plus particulièrement pour les femmes. Malgré cela, ce gouvernement a décidé de passer en force avec le 49-3 conscient que le vote des parlementaires n’était pas acquis.
Ils vident la démocratie de sa substance : débattre-voter.
Cette arrogance a alimenté la désillusion démocratique et renforcé chez nos concitoyens l’idée que le jeu politique est verrouillé. La feuille de route du gouvernement ? Le bonheur des actionnaires et de la finance, au mépris des intérêts du peuple. Ouvriers, paysans, hospitaliers, enseignants, chercheurs, étudiants, lycéens, agents de la fonction territoriale, de la fonction publique, tous les secteurs de la société exigent le retrait de cette réforme.
Cette protestation ne s’éteint pas, elle redouble de force, elle se répand et nul ne sait comment cela finira.
Mais nous apprenons que le Président n’a aucun scrupule, aucun regret.
Aucun scrupule c’est certain, aucun regret, nous verrons bien.
On ne piétine pas la dignité de tout un peuple infiniment. La France qui défile, c’est celle qui fait et qui fera l’histoire, celle des jours heureux.
Le maintien de l’ordre s’est brutalisé en raison de la disqualification par le pouvoir de la manifestation comme contribution à la pluralité démocratique.
Le recours massif aux armes dites non létales blessent, mutilent, tuent. Nous ne pourrons jamais oublier Rémi Fraisse, mort à 21 ans.
Cette répression systématique illustre l’essor d’un étatisme autoritaire dont la tolérance à l’égard de toute contestation de l’ordre établi diminue. Quel ordre ? Celui des profits !
On gaze partout comme à Prades sans distinction, hommes, femmes, enfants ou comme lors de la manifestation du 28 mars à Toulouse. En effet, jamais jusque là nous n’avions vu un dispositif policier aussi important sur tout le parcours. Aucun incident n’avait été signalé, et pourtant les FDO sont intervenues et ont coupé la tête du cortège. Pourquoi cette interruption prématurée de la manifestation syndicale ? Il y a manifestement une volonté de discréditer le mouvement social en créant des situations anxiogènes. Faire monter les tensions, faire peur et terroriser les manifestants, voilà ce que veut ce gouvernement !
En démocratie, on ne gouverne pas par la peur. Le manifestant n’est pas un ennemi, c’est un citoyen en colère.
Nous ne pouvons accepter que notre jeunesse soit interpellée, contrôlée, arrêtée, intimidée comme au lycée Ozenne à Toulouse, comme une effroyable répétition de ce que nous avons pu voir en 2018 à Mantes la Jolie lorsque les FDO intiment à 146 jeunes de s’agenouiller, mains sur la tête, traités comme des ennemis.
Étrange conception du maintien de l’ordre.
Et les enchères montent encore : à Albi, l’arrestation à 6h du matin, à leur domicile de plusieurs militants et responsables syndicaux. Tristes souvenirs, qui nous rappellent les périodes les plus sombres de notre histoire.
Ce gouvernement est en train d’endommager gravement le consentement républicain. Prenons garde à ces dérives autocratiques qui ne peuvent déboucher que sur des lendemains non maîtrisés !!
Ce président s’est enfermé dans une vision étriquée et défaillante de la légitimité démocratique.
« Ce n’est pas la foule qui veut s’imposer au Peuple, c’est davantage le Prince qui se croit plus sage et mieux éclairé que la multitude », disait Machiavel.
Sortir de cette violence et apaiser, c’est tout d’abord et avant tout retirer cette réforme impopulaire. Ensuite, il faudra suivre les recommandations du rapport de la commission d’enquête relative à l’état des lieux, à la déontologie, aux pratiques et aux doctrines du maintien de l’ordre du 20 janvier 2021.
Ces préconisations sont bien loin de ce que nous pouvons observer à ce jour : une militarisation du maintien de l’ordre.
En effet, ce régime manipule notre police républicaine pour la mettre au service des puissants, ceux qui veulent mettre la main sur nos vies, nos retraites, notre sécurité sociale et nos services publics.
Après avoir organiser la séparation de l’Etat et de la religion, nous devons aujourd’hui organiser la séparation de l’Etat et de la finance.
Enfin, je conclurai en disant que nous sommes face à un gouvernement isolé qui impose sa volonté au peuple, au lieu de répondre aux questions sociales et environnementales qui se posent à nous toutes et tous, et dont la réponse ne peut être que collective. Il divise, il utilise des mots honteux et irresponsables comme ceux de « terrorisme intellectuel » qui favorise la montée de l’extrême droite.
Depuis 20 ans, on nous répète à longueur de journée une formule imbécile : « la sécurité est la première des libertés ».
Nous disons que « la liberté individuelle et collective est la première des sécurités » sinon il n’y aurait pas de pays plus libre que celui de Staline, Poutine, Franco ou Mussolini.
Enfin, Monsieur Moudenc pourriez-vous sortir de votre silence et nous dire, et c’est une question d’honnêteté politique et intellectuelle : êtes-vous pour ou contre cette réforme des retraites ?