Résolution du Conseil National du Bloc de Gauche du Portugal sur les résultats des élections législatives du 18 mai 2024.

Le Bloc veut « résister » et « se relever », mais aussi « élargir les alliances » pour lutter avec détermination. Dans la résolution du Conseil national, la direction du Bloc de gauche fait le point sur les résultats des élections législatives du 18 mai, à partir de la situation actuelle et de la campagne du parti pour trouver des réponses pour l’avenir.

Ci-dessous la résolution du Conseil National du Bloc de Gauche du 24 mai 2025 sur les résultats des élections législatives du 18 mai 2024.

Le Bloc de gauche obtient le pire résultat de son histoire aux élections à l’Assemblée de la République. Le Bloc considère ces résultats avec inquiétude et entend procéder à une évaluation qui lui permettra de corriger les erreurs commises, d’écouter tous les militants et aussi les personnes indépendantes, et d’élaborer une direction qui garantisse l’influence de son projet politique, son intervention sociale et son alternative. Ce processus ne se fait pas à la hâte ni en recherchant un seul facteur explicatif. Il faut du temps, de l’humilité, de l’ouverture et la volonté de trouver des chemins que nous ne découvrirons que collectivement.

La somme des voix pour les partis à gauche du PS est la plus basse jamais enregistrée et il en va de même lorsque cette somme inclut le PS. Ces défaites – de la gauche et du Bloc dans son ensemble – mettent le pays en grave danger. Pour les comprendre, il faut étudier les facteurs qui ont déterminé le désastre électoral, ainsi que ce qui est spécifique à chaque force politique. Cette résolution aborde certaines contraintes politiques nationales et internationales et leur impact, notamment la manœuvre du Premier ministre, l’effet de la mise de l’immigration au centre du débat politique et aussi la peur de la guerre. Cela amorce également une réflexion sur notre campagne.

Le contexte des élections

La crise politique voulue par le Premier ministre suite à la violation de ses devoirs d’exclusivité était une manœuvre avec des précédents dans la gouvernance récente qui a contribué à la dégradation de l’environnement politique. Cela s’est avéré être un succès pour Monténégro, lui permettant de retrouver sa capacité à prendre des initiatives. Dans ses premières déclarations, il semble être prêt à une révision constitutionnelle avec IL et Chega, même si aujourd’hui il la déguise en déclaration sur son ouverture. C’est une menace non dissimulée et très sérieuse contre certains des piliers des acquis démocratiques d’avril.

L’occupation du centre du débat politique par la question de l’immigration a été un facteur important dans la défaite de la gauche. Le Portugal a connu l’une des transformations les plus profondes dans sa composition sociale et dans le profil de la classe ouvrière. En quelques années, le nombre de travailleurs étrangers a décuplé et représente désormais environ un tiers de la population active. Une partie importante de cette nouvelle classe ouvrière ne vient pas des pays lusophones. Dans ce contexte, l’échec des services de soins et de régularisation et le manque d’investissement dans des réponses globales en matière de logement, de services publics et d’accès à la langue ont renforcé le discours d’extrême droite. Cette mesure a été adoptée par le gouvernement pour justifier la nouvelle législation et a été également légitimée, secondairement, par le recul du PS sur sa position sur la question. Ce récit a été popularisé par le sensationnalisme de certains médias et, surtout, par la manipulation des masses à travers les réseaux sociaux. En fait, l’extrême droite a réussi à faire de l’immigration l’explication de toutes les difficultés de la vie des gens, du logement aux hôpitaux.

Le Bloc et d’autres partis ont été pénalisés lors du vote par cette réalité. La leçon à tirer est que l’action militante antiraciste et antifasciste, la création d’espaces communs et unitaires et l’intervention dans les territoires populaires disputés par l’autoritarisme et les discours de haine continuent d’être centrales. Il est crucial de trouver des moyens d’ouvrir les syndicats aux travailleurs étrangers, de créer des mécanismes d’inclusion et d’empêcher l’exploitation des différences pour promouvoir le ressentiment social. La lutte contre la division de la classe ouvrière est essentielle aujourd’hui comme elle le sera demain.

La réélection de Trump a plusieurs conséquences sur la politique internationale, qui favorisent l’extrême droite : d’abord, elle favorise le génocide à Gaza et rend Netanyahou imprenable à la pression internationale, s’opposant aux gouvernements qui ont dénoncé le génocide palestinien, comme celui d’Afrique du Sud ; deuxièmement, rechercher une alliance avec Poutine ; troisièmement, elle favorise une internationale réactionnaire qui implique directement l’administration américaine dans les élections en Allemagne et dans d’autres pays européens ; quatrièmement, il utilise les tarifs douaniers comme une politique économique d’assujettissement de ses alliés et partenaires, et de confrontation avec la Chine.

Dans ce contexte international, le Bloc de gauche a identifié le risque d’une intensification du glissement à droite observé depuis un an, notamment sous l’effet de l’augmentation de la pression militariste dans ce nouveau cadre. Cette pression crée la peur et déplace la politique vers la droite, conduisant les partis centristes à accepter la course aux armements européenne et la soumission à l’OTAN.

Ces trois facteurs – le mouvement de l’AD, qui a adopté le discours sur la stabilité qui a donné au PS une majorité absolue en 2022 ; la centralité de la question de l’immigration, définissant toute la politique nationale ; et la peur de la propagande militariste – ont été des facteurs déterminants dans le contexte général des élections.

La réponse immédiate à la menace contre la Constitution

L’élément majeur du scrutin du 18 mai a été la croissance de Chega. Son résultat témoigne de sa capacité à conserver l’électorat qu’il a récupéré de l’abstention en 2024, en l’augmentant sur tout le territoire, en mettant l’accent sur les zones les plus déprimées socialement, à l’intérieur et dans les anciennes ceintures industrielles. Chega, qui devrait se hisser à la deuxième place en termes de nombre de députés (une fois le décompte des voix dans les circonscriptions d’émigration terminé), sera en fait candidat au gouvernement. Cette nouvelle situation va se traduire par une dégradation générale des conditions d’exercice de la démocratie, tant au parlement (où Chega mène depuis plusieurs années une stratégie d’épuisement des conditions de débat et d’expression), que dans la société, avec la banalisation des violences racistes, sexistes, transphobes et homophobes et, en général, fascistes. En devenant majoritaire dans le sud du pays et à Setúbal, et en renforçant son vote dans tous les districts, l’extrême droite a gagné des voix populaires, y compris de nombreuses voix qui étaient autrefois représentées par des forces de gauche. Avec sa représentation, Chega aggravera sa campagne xénophobe et antidémocratique, articulée à l’action de groupes criminels qui se déplacent dans sa périphérie (voir la récente attaque de la manifestation du 25 avril par un gang néonazi, immédiatement applaudie par Chega).

Dans la nouvelle composition parlementaire, aucun des trois plus grands partis ne peut former une majorité avec les petits partis. Mais pour la première fois, les partis à la droite du PS dépassent le seuil des deux tiers, ce qui leur permet de promouvoir des changements à la Constitution. Ce fait devient central dans la situation politique actuelle, configurant un risque réel de changement régressif du régime constitutionnel, compte tenu de l’histoire du PSD en la matière, tant dans l’attaque contre les retraites sous la troïka, que dans les propositions de révision de la loi électorale, ou même dans les récentes déclarations sur le droit de grève. IL et Chega ont déjà annoncé leurs intentions. Le Bloc de Gauche considère essentielle l’expression unie de toutes les voix et forces politiques qui s’identifient aux valeurs et au texte de la Constitution du 25 avril, pour la défense des libertés et des garanties qui y sont consacrées.

Pour le Bloc, l’objectif n’est pas seulement de résister à la vague fasciste et xénophobe ou aux combinaisons possibles et dangereuses de la droite et de l’extrême droite, ou au soutien du PS au gouvernement du Monténégro. L’objectif du Bloc est de se relever, de se rétablir, de créer et d’élargir des alliances et de lutter pour notre peuple avec détermination.

La campagne du Bloc

Dans les nouvelles circonstances politiques, nous avons revu notre modèle de campagne. Nous avons donc décidé de nous concentrer sur quelques questions essentielles auxquelles nous accordions la plus grande importance, cherchant à marquer le débat public : le plafonnement des loyers, les droits des travailleurs postés et l’impôt sur la fortune. Nous n’avons pas abandonné d’autres combats programmatiques qui constituent l’identité du Bloc, comme les services publics, l’égalité, le rejet de la xénophobie ou l’opposition à la guerre, mais nous nous sommes concentrés sur ces questions pour qu’elles deviennent notre marque de fabrique. C’est ainsi que nous avons évité une discussion creuse sur la gouvernabilité, en soulignant les mesures qui permettraient de changer la vie de parties importantes de la population et pour lesquelles notre représentation parlementaire se battrait en toutes circonstances. Cette politique a eu un effet : la question du plafonnement des loyers a été importante dans le débat politique, elle a obligé tous nos opposants à s’exprimer, elle a été renforcée par les nouvelles de plus en plus alarmantes sur la crise du logement et elle a été identifiée par une partie de la population comme une réponse valable. Cela continuera d’être l’une des luttes les plus importantes dans la vie de notre peuple – même la majorité des familles qui travaillent et qui achètent leur propre maison savent que leurs enfants ne pourront pas le faire et qu’elles ne pourront pas louer une maison. La deuxième proposition, sur le travail posté, a été soutenue par des milliers de travailleurs. Cependant, aucun d’entre eux n’a conduit à une reprise électorale, dans le contexte décrit ci-dessus.

Deuxièmement, notre campagne a privilégié les initiatives décentralisées de contact direct, par le porte-à-porte. Nous sommes allés dans plus de vingt mille foyers et avons initié une forme d’action politique qui sera fondamentale à l’avenir. Nous avons fait différemment dans le pays, en mobilisant de jeunes militants, des membres récents et plus anciens, qui ont vu comment ils pouvaient intervenir directement et non en tant que spectateurs de la campagne électorale. Pour la même raison, nous avons remplacé les rassemblements traditionnels par des « coffee chats », ouverts au dialogue avec tous, et par des fêtes et des séances publiques créatives et animées.

Troisièmement, nous avons mobilisé toutes nos forces, y compris en présentant les fondateurs du parti. Ces candidatures n’ont eu aucun effet électoral, mais elles ont eu un effet militant, en stimulant les campagnes dans les districts les plus vastes.

Ces choix n’ont pas inversé le résultat électoral et le Bloc a subi sa pire défaite. Et, sachant que la discussion sur le résultat des élections nous permettra d’identifier les erreurs et d’évaluer, en plus des questions mentionnées, les modèles de communication, les formes d’organisation, la pédagogie de campagne, l’adéquation des réponses aux campagnes sales, ou d’autres aspects de cette bataille, le Bloc affirme qu’il ne cessera de lutter pour ce que nous avons apporté à ces élections : pour une politique de logement populaire, pour les droits de ceux qui travaillent, contre les inégalités et pour la qualité et la garantie des services publics, contre les menaces fascistes et pour l’unité dans la défense de la vie démocratique et des règles constitutionnelles qui la protègent.

Décisions :

Les 13 et 14 juin, à Porto, le Bloc de Gauche accueillera le congrès fondateur de l’Alliance de la Gauche européenne pour les peuples et la planète, un nouveau parti politique européen qui réunit le Bloc de Gauche (Portugal), La France Insoumise (France), l’Alliance de Gauche (Finlande), Podemos (Espagne), l’Alliance Verte et Rouge (Danemark), Razem (Pologne) et le Parti de Gauche (Suède). La montée des forces d’extrême droite et les crises sociales, environnementales et internationales nécessitent une coopération plus efficace de la gauche verte, féministe et antiraciste européenne. Le Bloc de Gauche s’engage dans cette nouvelle alliance et invite ses membres et sympathisants à participer activement à ce moment de débat et d’apprentissage. Dans ce congrès, ouvert à la participation d’autres forces de gauche européennes et internationales, ainsi que de mouvements sociaux et d’activisme, nous avons pour objectif de créer de nouvelles formes de travail solidaire et de préparer des actions concrètes de mobilisation contre le capitalisme et contre la guerre, de résistance à l’extrême droite et de récupération des majorités sociales de gauche.

Le Bloc de Gauche continuera à préparer ses candidatures aux élections locales, réaffirmant son engagement en faveur d’ententes programmatiques pour des convergences à gauche, que ce soit avec le PS à Lisbonne pour vaincre Carlos Moedas, ou pour affirmer des alternatives locales à gauche. Même dans les communes où le Bloc a déjà présenté ses candidat·es, il reste disponible pour des processus de convergence, chaque fois que possible, avec le PCP, Libre, le PAN et les mouvements citoyens.

Compte tenu du grand nombre de jeunes qui ont rejoint la campagne et dans les jours qui suivent les élections, le Conseil national réitère son appel à participer au Camp de la liberté, qui aura lieu dans le centre du pays du 24 au 27 juillet. Cette réunion et d’autres réunions de formation et de débat politique à grande échelle, comme Socialisme 2025, qui aura lieu du 29 au 31 août, sont essentielles dans cette nouvelle phase de la vie du pays.

Au vu de la nouvelle situation politique et de la lourde défaite électorale du Bloc, le Conseil national décide de repousser sa Convention nationale aux 29 et 30 novembre. Il ne s’agit pas de reprendre le processus suspendu en raison des élections, mais de prendre en compte le changement des circonstances politiques nationales, la nécessité d’une réflexion approfondie et la définition d’une direction pour les années à venir qui ne peuvent être considérés comme la simple conclusion du processus de débat entamé en janvier 2025, alors que la convocation d’élections législatives n’était même pas imaginée et que Trump n’avait pas encore pris ses fonctions.

Avec cette décision, une nouvelle période de présentation des motions d’orientation est ouverte et la liste des adhérent·es ayant le droit d’élire et d’être élu sera mise à jour.

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